Déclaration de la FSU au CDEN du 17 octobre 2024

Cette année encore, les personnels de l’Éducation Nationale ont vécu une rentrée rocambolesque mais encore, originale. Après la séquence des élections législatives, le plus grand dépit s’est emparé des électrices et électeurs, tant le résultat du vote n’a pas été pris en compte et tant la certitude est bel et bien inscrite que les mêmes politiques seront mises en place. Les citoyen·ne·s avaient voté pour un changement de politique en mettant en tête les candidat·e·s du Nouveau Front populaire, mais le Président de la République en a décidé autrement, en nommant un premier ministre issu du parti politique arrivé en 4ème position, pour accentuer la même politique qui avait été condamnée par les votes. A peine le gouvernement a-t-il été installé, que le débat s’est porté sur les déficits budgétaires, sans jamais remettre en cause les politiques qui ont creusé ces déficits, en offrant toujours des garanties aux entreprises, et en détricotant encore le bien commun, c’est-à-dire les services publics. Les grandes lignes du budget 2025 vont indéniablement soumettre l’Éducation Nationale à une véritable cure d’austérité, avec près de 4000 suppressions de postes d’enseignant·e·s, et aucun investissement dans la revalorisation des salaires, faisant de l’Éducation Nationale le plus gros contributeur des suppressions de postes. L’Éducation nationale est-elle en si bonne posture pour se permettre une telle cure d’austérité ? L’école est à un point de bascule et Michel Barnier la précipite dans le vide. Face à cette situation, l’ensemble des organisations syndicales représentatives des personnels de l’Éducation Nationale ont décidé de lancer une alerte sociale.

Aucune mesure ne sera prise pour la revalorisation des salaires. Alors qu’une majorité de la profession l’a rejeté, le Pacte et les remplacements de courte durée sont reconduits, voire promulgués comme une solution face à la crise du recrutement à laquelle doit faire face l’institution. À ce sujet, les propos « tendancieux » et « scandaleux » tenus par le Recteur de l’Académie de Toulouse dans la Dépêche du Midi du 30/09/2024 ont achevé de mettre en colère les enseignant·e·s. En déplorant le refus des remplacements de courte durée de la part de la profession, le Recteur a choisi de reporter la responsabilité de l’institution sur les collègues et a persisté à accréditer l’idée de leur absentéisme systémique. Or, ce sont précisément de tels propos qui renforcent le sentiment de mépris ressenti par la profession, et c’est ce même mépris qui n’aide pas à revaloriser l’image de métiers qu’on voudrait attractifs pour la jeunesse. On s’éloigne de plus en plus de la promesse du candidat Macron d’une revalorisation de 10 % sans contrepartie. On est même assuré de perdre encore du pouvoir d’achat puisque l’inflation ne sera pas compensée. Tous les gouvernements successifs ont décidé d’appauvrir les professeur·es pour leur faire accepter du travail supplémentaire. Avant l’annonce que les futurs Pactes ne vont être proposés que pour effectuer des remplacements d’absences, des pressions ont été exercées dans les établissements du Gers sur les collègues pour faire signer des Pactes cette année, notamment en échange de la rémunération de projets pédagogiques auxquels les collègues tiennent. Ces pressions sont inadmissibles. Dans les écoles du Gers, l’an passé, moins d’un·e enseignant·e sur deux a été destinataire d’une part de pacte dont près de la moitié a servi à rémunérer des projets innovants. Cette année, le recteur demande que les parts pour les projets diminuent à 15% de l’enveloppe allouée (elle-même en baisse drastique : 192 au lieu de 450). Les personnels ont bien compris que même le “travailler plus pour gagner plus” était une supercherie. La FSU continue donc à exiger l’abandon du Pacte et une réelle revalorisation salariale pour toutes et tous qui passe par l’augmentation du point d’indice couplé à une hausse moyenne des rémunérations de 20% pour rattraper les pertes subies depuis 15 ans.

Dans le Second degré, le bilan de la rentrée a montré nationalement, comme ces dernières années, qu’il manquait un·e enseignant·e dans deux établissements sur trois. Le département du Gers n’a pas dérogé à la règle : à la rentrée, il manquait au moins un·e enseignant·e dans près d’un établissement sur deux. Comme ailleurs, ce sont en particulier les besoins en suppléance qui n’arrivent pas à être pourvus, faute de personnels. Ici ou là, les petites annonces pour recruter des enseignant·e·s manquant·e·s fleurissent, comme ce message qui est parvenu à « l’Université du temps libre » du Gers pour recruter un professeur·e de lettres et d’espagnol dans un lycée du département… On voudrait recruter des retraité·e·s qu’on ne s’y prendrait pas autrement… Depuis 7 ans, en collège et en lycée, 8865 postes d’enseignant·e·s ont été supprimés pour 7741 élèves en plus. Pour retrouver le taux d’encadrement de 2017 dans les collèges et les lycées, il faudrait créer plus de 10 000 postes de professeur.es. Pour retrouver celui de 2006, il faudrait en trouver plus de 45000. Alors que la baisse démographique à venir pourrait permettre enfin à l’Éducation nationale d’alléger les effectifs des classes, c’est tout le contraire qui va se produire, pour continuer à remplir les classes à des seuils très élevés. La France détient un triste record : celui des classes les plus chargées en collège en Europe. Les élèves gersois amenés à voyager dans le cadre d’échanges Erasmus reviennent en France avec des comparaisons peu flatteuses, car ailleurs en Europe, les cours se font tout naturellement à 15 élèves par classe… Alors que le SNES-FSU revendique de ne pas dépasser 24 élèves par classe en collège, 7 établissements du Gers ont des divisions de 6ᵉˢ et 5ᵉˢ supérieures à 27 élèves par classe, dont 5 qui reçoivent des élèves en inclusion… Il en est de même en classe de 4ᵉ et 3ᵉ où respectivement 8 et 7 établissements ont des effectifs supérieurs à 27 en moyenne. Certains collèges ont des effectifs élevés à tous les niveaux, comme Salinis, dont les effectifs de 5ᵉ, 4ᵉ et 3ᵉ dépassent 28 ou le collège Françoise Héritier à L’Isle-Jourdain. Il en est de même dans les lycées du Gers, qui comprennent tous des divisions dépassant 31 élèves en moyenne, à l’exception du lycée de Nogaro. Là encore, comment assurer un suivi personnel quand certaines classes comprennent 36 élèves, comme la seule voie technologique du lycée Joseph Saverne ? La mise en place du “Choc des savoirs” a davantage été l’occasion de déréguler le fonctionnement de l’Éducation nationale, plus que d’améliorer les conditions d’étude et de travail. Si la grande majorité de nos collègues ont fait le choix de maintenir des groupes hétérogènes en 6ᵉ et 5ᵉ, la Réforme impacte l’organisation, les emplois du temps et le mode de fonctionnement des collègues, en imposant des progressions communes. Il est grand temps d’abandonner cette réforme démagogue pour revenir à un collège unique ambitieux pour toutes et tous.

Dans le 1er degré, ce CDEN sera l’occasion de constater une baisse des effectifs d’élèves qui se prolonge et qui aurait pu, aurait dû, devrait appeler une réponse qualitative de la part du gouvernement : c’est en effet l’occasion d’une amélioration ou du maintien pour notre département des taux d’encadrement et avec elle une amélioration des conditions d’apprentissages des élèves et des conditions de travail des personnels. Les enseignant·es français sont en Europe et dans l’OCDE parmi celles et ceux qui cumulent toutes les difficultés, il est plus que temps de profiter de cette baisse des effectifs pour diminuer le nombre d’élèves par classe, bien en deçà des 23 (comme aime à le dire notre recteur) dans le 1er degré, mais en collège aussi. Rappelons que la baisse démographique dans le premier degré à cette rentrée représente 1,2 élèves par école. Au-delà des effectifs par classe, qui restent un des leviers centraux de la réussite scolaire de nos élèves, la baisse démographique aurait dû permettre de remettre du sens dans nos métiers par des formations, par des collectifs de travail et d’aide notamment en reconstituant les RASED. Les besoins réels de l’École pour réduire les inégalités scolaires ne sont pas pris en compte.

À cette rentrée, plus aucune marge de manœuvre ne peut être dégagée pour ouvrir des classes là où les besoins sont les plus marqués, comme à la maternelle J. Prévert de Condom. Le Gers n’échappe donc pas à la logique comptable : 14 postes vacants le 1er septembre. 2 postes sont pourvus par des personnels contractuels, 7 remplaçant·e·s sont déjà en place à l’année sur des postes spécialisés ou de direction toujours vacants. On peut légitimement s’interroger sur ce qui va se passer quand il y aura des enseignant·e·s malades… Il est déjà difficile, voire impossible de se faire remplacer sur la circonscription d’Auch Nord. Et il reste tout de même 5 postes pour lesquels il n’y aura pas de recrutements (dont 2 brigades de remplacement formation continue et 1 RASED).

Les 3 155 postes en moins dans les écoles annoncés pour la rentrée 2025 renvoient l’école primaire près de quinze ans en arrière, lorsque l’Éducation Nationale supprimait le poste d’un·e fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Ces suppressions s’ajoutent à celles des deux dernières années, entraînant une dégradation continue des conditions d’enseignement et d’apprentissage :

  • des remplacements de plus en plus difficiles rendant impossibles les suppléances, pénalisant les élèves et générant une charge de travail supplémentaire pour les enseignantes et enseignants présents;

  • une inclusion compromise : les moyens dédiés à l’inclusion scolaire sont insuffisants, alors même que les besoins augmentent.

En supprimant des postes, le gouvernement renonce à ses engagements en faveur de l’école inclusive et de la réussite de tous les élèves. Les comparaisons internationales sont formelles : les pays qui investissent le plus dans l’école primaire sont ceux qui réduisent le mieux les inégalités.

Les effectifs d’AESH augmentent en apparence de 2 000 postes mais ce sont en réalité des transferts de contrats des établissements vers l’État. A rebours de cette politique, la FSU revendique le fait que l’école inclusive nécessite des moyens ambitieux : recrutement d’AESH à la hauteur des besoins, création d’un corps de catégorie B, temps plein à 24 h d’accompagnement hebdomadaire, fin des PIAL et des PAS, salaire minimum à 1 850 euros par mois.

Concernant les conditions de travail, nous constatons, lors des visites de la F3SCT, que les écoles et établissements ne disposent pas du matériel adapté qui permettrait de réduire les troubles musculo-squelettiques. Par exemple, toutes les écoles du premier degré devraient disposer de tabourets roulants réglables en hauteur pour éviter aux adultes d’être constamment courbés en deux avec un risque de lumbago. De même, les postes de secrétariat doivent disposer d’un matériel adapté pour éviter des postures génératrices de maux de dos et de pauses toutes les 30 minutes. Nous avons aussi appris que dans le Gers, les équipements de protection individuels dans les lycées professionnels, les ateliers, seraient fournis et payés par le salarié et non par l’employeur ce qui déroge au droit du travail. Alors que le ministère a du mal à remplacer les enseignant·e·s, combien de congés auraient pu être évités par des conditions de travail plus favorables ?

Nous examinons aujourd’hui les travaux à venir dans les collèges du département. Selon une enquête nationale menée par le SNES-FSU, 68 % des personnels déclarent rencontrer en hiver des problèmes de froid. Il devient urgent de rénover les établissements pour faire face aux changements climatiques, non seulement pour éviter l’effet de « passoires thermiques », mais aussi pour faire face aux grandes chaleurs. Cet investissement doit être l’une des priorités du Conseil départemental du Gers. Or, en cette période politique où les services publics sont détricotés, où le financement de l’école privée est de moins en moins admis par la population, nous nous étonnons que le Conseil départemental fasse le choix politique de subventionner les collèges privés du département. C’est un choix auquel a renoncé la grande majorité des autres départements de l’Académie de Toulouse, à l’exception de l’Aveyron, et qui demeure incompréhensible pour notre département. Si nous apprécions le détail des travaux à venir qui a été fourni dans les documents de ce CDEN, nous persistons à demander le détail des subventions allouées aux collèges du Gers, et une instance, avant que les budgets ne soient examinés dans les collèges. Il en va de la transparence et de la qualité du dialogue social dans notre département.

Enfin, nous terminerons par nous rappeler que cette semaine a été le moment de se remémorer l’assassinat de Dominique Bernard et de Samuel Paty, et l’importance de faire vivre l’École publique laïque. Comme l’ensemble des personnels, nous nous emploierons cette année, et d’autres encore, à mener jour après jour nos élèves sur les voies où la République a fait promesse de les conduire par sa devise : la liberté de croire ou de ne pas croire et la liberté que confèrent des savoirs maîtrisés, malgré la complexité de leur apprentissage, pour fonder un jugement personnel éclairé ; l’égalité réelle en droits et en actes entre tous et toutes les citoyen·ne·s ; la fraternité qui peut et doit les unir face aux désordres du monde et aux ennemis de tous ordres d’une République fondée sur la tolérance et la solidarité. C’est pourquoi nous ne pouvons que regretter, M. l’Inspecteur d’Académie, que vous n’ayez pas jugé utile de convier les organisations syndicales représentatives de l’ensemble des personnels de l’Éducation Nationale du Gers à la journée “Valeurs de la République” du 27 septembre.

Pour conclure, au-delà de l’invraisemblable confusion – pour rester poli·e·s – de la ministre quelques jours avant, gardons plutôt en tête le propos dans lequel elle déclare que les enseignant·e·s sont le “pilier” de notre République. Dans ce cas, alors ils et elles ont besoin du soutien indéfectible de l’institution et d’un investissement massif dans le service public d’Éducation.