C’est après un été marqué par un changement au ministère que nous nous retrouvons pour démarrer cette nouvelle année scolaire avec un ministre qui fait sa rentrée médiatique et impose son discours sur l’école : port de l’abaya, expérimentation de l’uniforme, renforcement des fondamentaux … alors que la réalité des écoles est à mille lieues de ses préoccupations.

Pour exemple : les directrices et directeurs ont parfois dû gérer le manque de personnel, l’inscription d’un élève, répondre aux sollicitations des familles… Les équipes enseignantes ont dû faire face au manque d’AESH pour accompagner un élève en situation de handicap, à des effectifs surchargés dans les classes, mais également à la chaleur parfois extrême dans des locaux inadaptés.

Et c’est en cette journée si particulière que le ministre décide d’envoyer par mail aux écoles et établissement une communication à destination des familles qui a choqué la profession. Il demande de transmettre aux parents un flyer intitulé “ Rentrée 2023 : ce qui change pour votre enfant “.

Le ministre présente les augmentations de salaires sans conditions accordées aux enseignant·es à partir de cette rentrée. Quelle autre administration affiche ainsi les augmentations de salaires auprès de ses usagers ?

Dans le 2d degré il est précisé que « les enseignants sont encouragés à effectuer des remplacements afin que vos enfants bénéficient de l’ensemble des heures prévues à leur emploi du temps ». Ainsi, si la promesse présidentielle d’assurer tous les remplacements n’est pas tenue, ce ne sera pas par manque de moyens, de personnels, ou par manque d’attractivité du métier mais bien parce que les enseignant·es n’auront pas voulu participer alors qu’ils ou elles sont payé·es plus. Et la logique de communication est la même quand il s’agit du soutien en 6ème ou des stages de réussite !

Dans ce même flyer, côté 1er degré, le ministre y annonce que dorénavant l’enseignante ou l’enseignant de leur enfant mettra en place de façon régulière des séances de lecture, écriture, exercices de grammaire, orthographe et calcul laissant entendre par cette communication que ceux-ci ne font rien de tout cela en classe. Mais que font-ils alors ?

Cette communication mensongère, dénigrant la profession enseignante ne parvient pas à masquer l’absence d’une réelle politique ambitieuse pour l’Ecole Publique. Non, aucun moyen supplémentaire pour l’accueil des élèves de 2 ans en Éducation prioritaire n’est prévu, non toutes les classes de GS, CP et CE1 ne sont pas plafonnées à 24 élèves, non tous les remplacements de courte durée ou non ne seront pas assurés, non tous les personnels enseignants ne bénéficieront pas d’une formation au harcèlement, non la prévention dans pour la santé mentale et la vaccination ne pourront être assurées sans recrutement de personnels de santé scolaire indispensables… pour ne reprendre que quelques citations de cette publication.

Pour la FSU, il n’est pas envisageable de diffuser un tel document aux familles. L’école a plus que besoin de sérénité et de moyens pour répondre aux défis auxquels elle fait face. Pour cela, il faut faire confiance aux enseignantes et enseignants, les respecter et les écouter en tant que professionnels de l’éducation au lieu de multiplier les annonces médiatiques à l’emporte pièce, dignes du café du commerce. Pour cela, il faut aussi mieux les rémunérer. Ce ne sont en aucun cas les missions supplémentaires du Pacte qui constitueront une revalorisation.

En effet, depuis seulement 6 ans, les enseignant·es ont perdu 10 % du pouvoir d’achat. Depuis 2010, ce pourcentage s’élève à 25 %. La référence au SMIC en dit long du déclassement salarial : un·e enseignant·e débutant dans la carrière en 1990 gagnait l’équivalent de 2,1 SMIC, en 2022 c’est 1,2 SMIC voire 1,08 sans la prime d’attractivité. La promesse d’Emmanuel Macron de revaloriser les traitements de tous et toutes à hauteur de 10% ne sera pas tenue ! Avec les mesures dites « socle », ce ne sera que 5,5% en septembre 2023 pour une inflation à 6%. Au lieu de revaloriser l’ensemble de nos professions, par une augmentation importante du traitement et du point d’indice, le ministère opte pour une action perverse. Il compte sur le déclassement salarial des personnels pour faire adopter le Pacte par le plus grand nombre.

Or, le pacte n’est pas une mesure de revalorisation. Rejeté par l’ensemble des organisations syndicales, il n’est composé que d’une série de missions supplémentaires proposées à quelques volontaires dans le cadre d’un budget limité. C’est une charge de travail supplémentaire écrasante alors qu’une étude du ministère montre que la moitié des enseignant.es travaillent déjà plus de 43 heures par semaine.

Dans le second degré, la promesse présidentielle d’assurer tous les remplacements de courte durée est une tromperie. D’abord parce que les remplacements ne peuvent se faire poste pour poste (un·e professeur·e de maths ne pouvant remplacer un·e professeur·e de français) ; ensuite parce que les fameuses séquences numériques interactives encadrées par un surveillant demeurent floues et ne peuvent faire office de véritable cours. Les annonces du gouvernement montrent donc simplement qu’il est en train de réinventer la permanence en 2023 : on peut avoir d’autres ambitions pour le collège et le lycée ! L’embauche des personnels dédié·es exclusivement au remplacement, comme les titulaires remplaçants, aussi bien dans le premier que dans le second degré, est la solution à privilégier.

Au lycée professionnel l’application du Pacte atteint son paroxysme ! Les enseignant·es sont fortement incité·es à choisir six « blocs » afin d’accélérer le projet global. Le pacte fait reposer sur les personnels des responsabilités qui relèvent de l’Institution, contribuant ipso facto à jeter le discrédit quand des remplacements ne seront pas effectués

De plus, le pacte renforce l’emprise des supérieurs hiérarchiques et divise les personnels. Dans le second degré, le ou la chef.fe d’établissement disposera d’un pouvoir supplémentaire y compris en matière pédagogique (via le volet innovation pédagogique) sur les enseignant·es. Or, toute augmentation du pouvoir hiérarchique local éloigne les personnels des missions du service public en les soumettant à la seule volonté du ou de la chef·fe. Dans le premier degré, le Pacte se fera sous la responsabilité des directeurs et directrices. Cela conduira à les isoler vis-à-vis du reste de l’équipe pédagogique alors que la cohésion de celle-ci est un élément déterminant pour la qualité de l’enseignement.

La FSU a aussi montré que le pacte dégrade notre métier et le collectif de travail. Dans le premier degré, l’éclatement des emplois du temps sur différents lieux va réduire les possibilités de travail en équipe et risque de susciter des conflits entre les personnels, notamment sur des questions d’ordre organisationnel. Quand organiser les différents conseils en assurant la présence de chacun·e des collègues ?
Ce sont aussi des projets pédagogiques communs qui pourraient être remis en question. Occupé·es par leurs nouvelles missions, les volontaires auront-ils le temps de s’investir dans des activités qu’ils et elles assuraient jusqu’à présent ? Ce nouveau dispositif individualise les relations au travail et va accentuer l’éclatement des collectifs de travail au moment où il est impératif de les renforcer.

Le pacte constitue par ailleurs une aberration pédagogique : il est adossé à des mesures reprenant la forme et le fond de dispositifs massivement déployés depuis le début des années 2000. Ces dispositifs (AP, APC, PPRE en primaire, heure de consolidation, de remise à niveau, PPAP, Aide individualisée, accompagnement individualisé… dans le secondaire), visant à traiter la difficulté scolaire en marge de la classe, ont fait la preuve de leur inefficacité pour lutter contre des inégalités scolaires qui se sont amplifiées pendant la période.

Le pacte n’est donc aucunement une solution pour résoudre les problèmes que rencontre l’éducation nationale mais c’est un moyen d’attaquer le statut d’agent·e de la fonction publique qui garantit la liberté professionnelle et le strict respect des missions du service public pour lequel les personnels ont été recrutés. C’est pourquoi la FSU continuera à déconstruire inlassablement le discours gouvernemental pour gagner l’abandon total du Pacte et appelle la profession à ne pas s’y engager. La FSU revendique une revalorisation pour toutes et tous, sans condition.

Au niveau national, avec 1 117 emplois supprimés au budget, le premier degré renoue avec une austérité que l’école n’avait pas connue depuis 2012. Les besoins réels de l’Ecole pour réduire les inégalités scolaires ne sont pas pris en compte alors que la baisse de la démographie scolaire aurait pu permettre de conserver ces moyens pour améliorer les conditions de scolarisation des élèves et de travail des personnels. Dans ces conditions, à cette rentrée, plus aucune marge de manœuvre ne peut être dégagée pour ouvrir des classes là où les besoins sont les plus marqués, si ce n’est en fermant d’autres classes… Le Gers n’ échappe pas à cette logique comptable. Nous aimerions donc savoir dans quelles conditions s’est effectuée la rentrée : toutes les classes ont-elles des enseignant·es, tous les postes sont-ils pourvus ?

Les directrices et directeurs d’école ont surtout besoin d’aide administrative et de temps pour mieux faire fonctionner l’école. Avec la mise en œuvre des décrets de la loi Rilhac, ils et elles se voient attribuer une « autorité » non souhaitée, dont les contours restent très flous. Pour la FSU , il est indispensable de ne pas isoler les directrices et directeurs et de conforter les collectifs de travail et nous y veillerons.

Dans le second degré, la rentrée 2023 s’est aussi effectuée sous le sceau d’annonces médiatiques, où l’on a bien vu la main-mise d’Emmanuel Macron sur l’Ecole, avec des annonces qui seraient susceptibles de répondre aux émeutes, mais des constats que d’emblée nous ne partageons pas sur une « décivilisation » supposée de certains élèves. La volonté de mettre en place le SNU à marche forcée ou bien de revoir les programmes d’Enseignement moral et civique et d’histoire montrent une vision de l’Ecole étriquée et passéiste vouée à la « bonne parole républicaine », à la main d’un pouvoir politique prescriptif. Or, les émeutes ont montré que la devise « Liberté, égalité, fraternité » était un slogan qui restait très abstrait pour certains élèves, au regard des inégalités et discriminations qui persistent. Pour nous, la réponse passe par plus de services publics, plus d’Ecole, plus de mixité sociale dans le système éducatif. Les analyses que nous avons menées des indices de position sociale montrent que dans le Gers comme ailleurs, l’enseignement privé favorise les élèves de catégories sociales favorisées puisque les 6 collèges privés du département, qui scolarisent 18 % des élèves, ont un IPS moyen de 118, 7 contre 106, 7 pour les collèges publics, soit 12 points d’écart entre le public et le privé. En lycée l’écart est encore plus flagrant : les 4 lycées privés, qui scolarisent 11 % des élèves, ont un IPS moyen de 125 contre 110 pour le public, soit un écart de 15 points ! Comment continuer à entendre parler de séparatisme dans ces conditions, quand rien n’est fait pour résorber les inégalités sociales entre les établissements ?

En réponse à ces annonces politiques, il nous semble important de mettre l’accent sur « la rentrée en Vrai », sur ce qu’il se passe véritablement sur le terrain. Quand on compare la réalité aux annonces de Gabriel Attal et d’Emmanuel Macron, les deux personnes qui font office de Ministre de l’Education Nationale, force est de constater les écarts entre les discours et la réalité. La promesse d’avoir un professeur devant chaque classe et que les remplacements soient assurés ne tient pas. Dans notre département, il manque des professeurs au collège de Mauvezin en anglais, certains remplacements ne sont pas pourvus à Nogaro et Lectoure, des stagiaires ont renoncé au concours, en Lettres et Documentation au lycée du Garros. Plusieurs TZR ou collègues titulaires en poste se trouvent de nouveau dans des situations difficiles affectés à des centaines de kilomètres de chez eux, parfois sur deux ou trois établissements, voués à ne pas enseigner la discipline pour laquelle ils ont été formés. Quand bien même il y aurait un·e enseignant·e devant chaque classe, on se demande parfois à quel prix tant le coût humain et pédagogique s’avère élevé pour les collègues, mais aussi pour les élèves.

Si nous nous réjouissons des ouvertures de classes qui ont été faites dans le Second degré, en réponse à des situations que nous avions signalées, nous souhaiterions que la préparation de la rentrée se déroule de manière plus sereine, de manière à ne pas déstabiliser les équipes avec des variations de structures ou des menaces de suppressions de postes qui pèsent sur la cohésion des équipes et le bon fonctionnement d’un établissement scolaire.

La FSU avec son syndicat du 2d degré, le Snes-Fsu a fait bouger les lignes concernant le Baccalauréat. Le report des épreuves des enseignements de spécialité au mois de juin était une revendication transitoire que nous portions, de même que les ajustements du Bac de français. Il faut dire qu’en pointant tout ce qui allait arriver, nous avions déjà signalé tous les écueils du Baccalauréat dès 2019. Si on nous avait écouté plus tôt, on n’aurait peut-être pas perdu quatre années qui ont été des années de souffrance et de découragement pour les élèves. La FSU continuera à mener une bataille pour arriver à remise en cause générale du Baccalauréat issue de la Réforme de 2019 et de Parcoursup.

Enfin, pour la FSU, le changement climatique, avec des épisodes caniculaires de plus en plus fréquents, doit obliger à repenser les locaux scolaires pour préserver la santé des élèves et des personnels, et leur permettre d’apprendre et de travailler dans de bonnes conditions.

Les écoles et établissements doivent être exemplaires en matière d’objectifs de neutralité carbone et d’adaptation au changement climatique. Cela implique la mise en place d’une instance indépendante en charge du contrôle et de l’évaluation du bâti, mais aussi la garantie de financements à destination des collectivités pour l’exécution des travaux de rénovation nécessaires ou de nouvelles constructions.

Une Ecole écologique doit répondre à des enjeux complexes : allier le respect de l’environnement et la santé des personnels, élèves, usagers et usagères, dans un contexte de travail et d’étude. Mais il y a maintenant urgence à transformer notre Ecole.