L’actualité récente nous oblige ici à commencer par un rappel en ces temps troublés pour la laïcité.

Depuis la loi Debré de 1959, les établissements privés confessionnels sont financés aux trois quarts par des fonds publics. Et pourtant, ils respectent de moins en moins les programmes, la liberté de conscience des élèves et les valeurs de la République. Il n’est pas acceptable que l’argent public finance ces écoles du séparatisme social et scolaire. La FSU rappelle que les fonds publics ne doivent financer que les écoles et établissements publics.

Ce nécessaire rappel, vous le devez à la nouvelle ministre à mi-temps de l’Education Nationale, elle qui fait la Une des media depuis sa prise de fonction. En peu de temps, elle a réussi à faire l’unanimité contre elle. Elle est devenue le symbole du mépris de classe du gouvernement en privilégiant l’entre-soi et le séparatisme social et scolaire.

 

Pour la FSU, il ne s’agit pas de faux-pas anecdotiques. Loin de là ! Il s’agit bien là pour nous d’un aveu idéologique et d’une confirmation, celle de la continuation prévue d’une politique éducative pour laquelle ambition et émancipation ne seraient des perspectives réservées qu’à quelques “happy few”. Dans une révélation consternante et dans une justification méprisante pour les personnels, la ministre a dessiné en creux l’objectif : celui d’une école du tri social généralisé, acceptant – pour ne pas dire favorisant – l’entre-soi.

La politique éducative toujours largement préemptée par le chef de l’Etat est donc fortement marquée par une orientation libérale pour notre école dont notre nouvelle ministre est l’emblème :

– premièrement, par le renoncement à transmettre ce qui fait culture commune et prépare les générations futures à vivre ensemble, notamment en utilisant l’échec scolaire ou l’absence de réussite à l’examen (le Brevet des collèges devient un diplôme obligatoire pour passer au lycée) comme justification à la mise en place de voies de parcours alternatifs qui, pour le moment, et en l’absence de cadres et même de programmes, ressemblent fort à des voies de garage en attendant la fin de la scolarité obligatoire ; cela se concrétise par une vision stratifiée de l’École, amplifiée par la mise en place de groupes de niveaux en collège; on notera le silence assourdissant sur l’Éducation prioritaire et la mixité qui confirme ce renoncement et le désengagement de l’Etat au profit des collectivités territoriales et d’associations, parfois financées par de grands groupes industriels ;

– deuxièmement par l’abandon de la voie professionnelle progressivement laissée à la main des structures patronales locales dans un grand retour en arrière qui tourne le dos à la vocation émancipatrice de l’enseignement professionnel pour le soumettre aux besoins du marché de l’emploi. Rappelons que la réforme prévue pour le lycée professionnel à la rentrée 2024 réduit drastiquement l’horaire des cours au profit des périodes de stage : 6 semaines de cours en moins et 170 h en moins sur 3 ans .

– troisièmement, par une vision de l’engagement de la jeunesse qui ne trouve de concrétisation que dans un modèle militaire et solidement encadré non par le consentement à l’organisation collective mais par l’imposition et la contrainte.

 

Le  projet conservateur et passéiste du « choc des savoirs » annoncé par Gabriel Attal, ministre éphémère de l’Éducation nationale, repris à son compte par la ministre est une attaque fondamentale contre l’école et le métier enseignant : nouvelle modification des programmes, évaluations nationales à tous les niveaux, labellisation et imposition de manuels… Autant de mesures qui sont des entraves sans précédent à la liberté pédagogique.

Non, les professeur·es des écoles n’ont pas besoin d’une photographie des résultats de leurs élèves et d’une comparaison avec les autres classes du département. Ils et elles connaissent leurs élèves et les évaluent.

Non, ils et elles n’ont pas besoin d’injonctions, de protocoles, de méthodes magiques venues de Singapour ou d’ailleurs, de manuels qu’ils n’utiliseront pas et qui risquent de servir, au mieux, à caler les meubles. Ils et elles exercent leur métier en analysant ce qui fait obstacle aux apprentissages de leurs élèves, préviennent les difficultés et  mettent en place la remédiation nécessaire.

Ils et elles savent que ce n’est pas à coup d’annonces sur l’uniforme, sur le retour à l’autorité ou bien encore grâce à l’apprentissage de la Marseillaise que leurs élèves deviendront des citoyens et des citoyennes libres et éclairé-es.

Ils et elles savent par contre que leurs conditions de travail sont dégradées : non remplacement, effectifs dans les classes, inclusion sans moyens, manque d’enseignant·es spécialisé·es (RASED…). Même la dernière note de la DEPP (service du minsitère) sur le bien-être au travail des personnels enseignants le dit. Ils évaluent leur satisfaction professionnelle à un niveau plus faible que les Français en emploi. Les perspectives de carrière et leur niveau de rémunération constituent des sources d’insatisfaction marquée.

 

Dans le second degré également, les enseignant·es sont particulièrement mécontent·es de la mise en place  de ce « choc des savoirs ».

Elle met de fait fin au collège unique avec l’apparition de groupes de niveau en français et en mathématiques en 6ème et 5ème à la rentrée 2024 puis jusqu’à la 3ème à la rentrée 2025. La FSU y est opposée.

En premier lieu, c’est une erreur du point de vue pédagogique : plusieurs études scientifiques montrent que la relégation des élèves faibles dans une même classe, même à effectif réduit, ne conduit pas à améliorer leur niveau mais au contraire les stigmatise et les décourage. Ce dispositif risque également de perturber les élèves qui sortent de l’enseignement primaire avec une classe et un professeur des écoles uniques. Ils n’auront même plus comme point de repère structurant leur classe puisqu’elle changera au gré de heures de cours.

Avec pour conséquence d’aggraver le tri social et d’accélérer les inégalités scolaires. Les élèves des classes populaires vont en être de nouveau les premières victimes

En second lieu, ce dispositif va créer des problèmes organisationnels dont on commence à voir les effets quand on réfléchit à sa mise en place. Il faut aligner tous les cours de Français et de Mathématiques pour permettre le changement de groupe à chaque trimestre ce qui complexifie considérablement les emplois du temps ; il n’y a parfois pas assez de profs de maths ou de français dans le collège pour faire cet alignement. En outre, si l’on peut changer les élèves de groupe à chaque trimestre, il faut tout de même maintenir une structure avec 3 groupes de niveaux donc déclasser des élèves pour en reclasser d’autres. On peut donc penser qu’il y aura des pressions pour maintenir certains élèves dans le meilleur groupe. Pour pouvoir effectuer ces classements et reclassements, il va falloir régulièrement évaluer les élèves dans des épreuves nationales standardisées et ôter aux enseignant·es toute liberté pédagogique au profit d’exercices d’entraînement. Un enseignement fait de recettes toutes prêtes à l’emploi, envoyées par le ministère et préparée par des personnes qui n’ont sans doute pas vu un élève de sixième depuis des années.

La conséquence en est la négation des expertises professionnelles des enseignant.es, de leur maîtrise disciplinaire et pédagogique et de leur volonté de construire pour toute la jeunesse des perspectives collectives d’émancipation par les savoirs et de citoyenneté pleine et entière, loin de toute relégation sociale et spatiale.

La FSU défend un tout autre projet émancipateur et oppose au prétendu choc des savoirs un choc des moyens, en réduisant les effectifs par classe, avec des heures en demi-groupes. Cela nécessite d’embaucher des enseignant·es et donc de rendre le métier plus attractif.

 

Les choix budgétaires engagés de longue date et renforcés depuis 2017 ont mis à mal le système et dégradé les conditions d’enseignement et d’étude des élèves dans le réseau public. La FSU demande l’annulation des suppressions d’emplois à la rentrée 2024, l’abrogation du pacte et de véritables revalorisations pour les personnels. C’est aussi par la création d’emplois dans tous les métiers que l’on pourra répondre aux besoins de l’école et notamment chez les CPE, PsyEN, AED et AESH.  Il y a urgence à promulguer une loi de programmation et un collectif budgétaire pour répondre aux besoins humains du service public d’éducation. Mais c’est également des créations massives d’emplois d’infirmières et d’assistantes de service social dont l’école a besoin.

 

Dans ce contexte dégradé, pointé par l’ensemble des personnels, nous nous retrouvons pour la préparation de la rentrée 2024. Alors que le budget de l’Éducation nationale prévoyait la suppression de 484 postes dans le Second degré et de 1709 dans le Premier Degré, le précédent ministre de l’Éducation nationale a réussi le tour de force de faire croire qu’il y aurait des moyens supplémentaires pour assurer, à la rentrée, la mise en œuvre de ses décisions. Il a pour cela déjà gagé une partie du budget 2025. Pour autant, 650 postes en moins dans les écoles ne pourront permettre à l’Ecole Publique d’assurer ses missions. Lors du CSAA du 16 janvier, le recteur a réussi à afficher un solde nul dans le 1er degré quand la dotation issue de Projet de loi de finance  conduisait à un retrait de 33 d’entre eux.

Dans le Gers, la « dotation » est donc de zéro. Vous devrez donc Mr l’IA faire des fermetures pour procéder aux nécessaires ouvertures. Mais pour la FSU,  il faut aussi des moyens pour les RASED, pour que l’inclusion fonctionne réellement, pour les remplacements, pour la formation continue, pour les décharges de direction, pour récréer des postes de CPC EPS… Nous ne pouvons cautionner des fermetures qui ne servent qu’à abonder les ouvertures. Il ne s’agit pour vous d’alimenter une réflexion qualitative mais bien d’une logique comptable.  Même avec un nombre d’élèves qui diminue, zéro poste pour le Gers, ce ne sera pas suffisant pour une Ecole Publique de qualité.