De nouveau un crime atroce a été commis au sein d’un lieu de savoir, au sein d’un lycée public. Cette fois à Arras.

Nous sommes dans l’effroi et la sidération.

Le terroriste cherchait un professeur d’Histoire Géographie, selon le témoignage d’un professeur de philosophie de l’établissement. Et c’est un professeur de Français, un professeur d’EPS, le cuisinier de l’établissement et un agent de sécurité qu’il a trouvés sur sa route pour l’empêcher de perpétrer l’assassinat ciblé qu’il projetait. Ces professionnels ont fait rempart, l’un d’eux est grièvement blessé et Dominique Bernard a payé de sa vie cette action. Il avait 57 ans, il avait fait toute sa carrière dans les Hauts-de-France, et en plus de son métier dans l’Education Nationale, il a fondé l’Université populaire du Nord-Pas-de-Calais. Cela situe très haut l’humanité de celui qui a succombé sous les coups d’un sordide obscurantiste.

Cet évènement tragique souligne une nouvelle fois la nécessité de protéger, autrement que par des discours, l’Ecole publique et ses personnels qui mettent leur vie au service du droit à l’instruction des élèves.

Cet assassinat entre dans la suite terrible de celui de notre collègue d’Histoire Géographie Samuel Paty le 16 octobre 2020, à trois ans de distance.

Les motifs sont une nouvelle fois une vengeance de l’extrémisme religieux contre ce que représente l’école laïque et sa fonction de transmission, d’émancipation et de partage des savoirs scientifiques, littéraires, philosophiques, démocratiques, de culture et de pensée critique.

Cette transmission est la condition nécessaire à la liberté des élèves, à notre liberté commune.

Enseigner, c’est déjouer l’obscurantisme, combattre les idées qui enferment. Bien sûr, cela entre directement en conflit avec des modes de pensée qui ne questionnent pas, qui certifient, qui assènent, qui ne doutent jamais.

Nous sommes Dominique Bernard, nous sommes Samuel Paty, nous sommes les trois professionnels blessés.

Nous qui travaillons dans les établissements scolaires et les écoles.

Nous qui sommes des militantes et des militants pour les droits de l’Homme,

Nous qui militons et agissons syndicalement,

Nous qui militons et agissons politiquement,

Nous qui militons et agissons dans les associations,

Nous qui sommes des salarié·es, des retraité·es, des chômeurs et chômeuses, des précaires,

Nous qui sommes des étudiantes et des étudiants, des jeunes en étude, en apprentissage.

Nous qui toutes et tous, citoyennes et citoyens, ensemble, faisons la démocratie.

Nos pensées vont bien sûr aux familles, aux proches, qui vivent un cauchemar.

Nous sommes évidemment à cours de mots pour dire ce qu’elles et ils vivent.

Nos pensées vont aussi aux collègues du collège lycée Gambetta Carnot et des alentours ainsi qu’aux élèves, aux familles, directement impliquées, bouleversées, marquées à jamais.

Ce meurtre innommable montre une fois de plus comment notre société est devenue violente, ce qui est bien sûr aux antipodes de ce que nous défendons, nous qui sommes rassemblé·es ici.

Ce que nous défendons c’est une société de coopération, de protection et d’attention à toutes et tous et bien sûr en priorité aux plus faibles et fragiles. Ce que nous promouvons, poursuivons, défendons c’est une société solidaire, égalitaire en droits, une société de paix et d’intelligence collective.

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à paraître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Ce qu’Antonio Gramsci avait écrit depuis sa prison en 1929 est d’une brûlante actualité.

Antonio Gramsci disait aussi qu’il fallait opposer au pessimisme de la raison l’optimisme de la volonté.

Nous nous élevons par avance contre toute tentative de récupération et d’instrumentalisation de ce crime contre l’école, contre nos collègues, contre les libertés, contre la liberté.

Il va de soi qu’au-delà de l’émotion qui nous submerge, viendront d’autres temps de réflexion, de revendications, pour ne plus accepter que la guerre soit à ce point menaçante et pour ne plus accepter cet état de fait sidérant que l’Ecole soit devenue une cible.

Nous vous proposons de terminer cet hommage par une minute d’applaudissements.

Merci à vous.